La bonne qualité de l'eau à préserver

Contexte général

Depuis la révolution industrielle, les milieux aquatiques sont ceux qui ont été les plus dégradés en Europe. Beaucoup d'espèces aquatiques sont aujourd’hui en danger d'extinction. C’est le cas de la Moule perlière qui vit à l’interface eau-sédiments dans les cours d’eau. Cette espèce est très polluo-sensible et considérée comme l’un des meilleurs bio-indicateur de la préservation des cours d’eau oligotrophes sur le socle cristallin.

L’atteinte à l’habitat est citée comme le problème majeur de raréfaction des populations de Moule perlière en 2000 dans « Le plan d’action pour Margaritifera margaritifera en Europe »). Ce point a également été repris en 2012 dans le Plan National d’Actions en faveur de la Mulette perlière (2012 – 2017).

Sur le bassin de la Haute Dronne, toutes les menaces sont liées directement ou indirectement aux activités anthropiques. Ces activités peuvent avoir un ou plusieurs impacts directs et indirects souvent difficilement chiffrables. Parmi ces impacts, on peut citer :

  • la dégradation de la qualité de l’eau qui rend impossibles la reproduction et la survie de l'espèce ;
  • la dégradation de la zone hyporhéique et le colmatage des substrats entraînant le problème de survie au stade juvénile. Les juvéniles passent une dizaine d’années enfouies dans les sédiments et requièrent un accès à une eau bien oxygénée et de bonne qualité ;
  • la fragmentation du milieu et son impact sur la reproduction et la reconquête des secteurs amont des cours d’eau, par diminution du nombre de poissons hôtes et impossibilité pour ces derniers de circuler librement vers leurs zones de reproduction et de croissance (situées sur les parties amont du bassin versant).

Dégradation de la qualité physico-chimique de l’eau

Du point de vue de la qualité chimique, la Moule perlière est une espèce très polluo-sensible vivant dans des eaux oligotrophes. Elle ne supporte pas des teneurs en Calcium supérieures à 10 mg/l. Cela explique que la limite aval des populations se situe généralement dans les secteurs de transitions géologiques entre socle cristallin et socle sédimentaire.
Concernant les éléments nutritifs, l’azote est un facteur majeur de déclassement des masses d’eau. Selon la littérature, les juvéniles ne survivent pas à des teneurs de l’ordre de 1,7 mg/L de N.

Les sources d’éléments nutritifs peuvent être issues de rejets localisés :

  • rejets traités ou non traités d’assainissements collectifs : sur le territoire, le problème est lié à l’entrée d’eaux claires parasites dans le réseau de collecte entrainant des débordements d’effluents non traités ;
  • rejets des bâtiments d’élevage : La concentration du cheptel dans les stabulations, entraine une concentration d’effluents. Il peut y avoir des fuites dans les zones de stockages, entrainant des départs localisés dans le milieu naturel. Les exploitants agricoles et les services vétérinaires veillent à localiser et réduire ces départs d’éléments nutritifs.

Les sources d’éléments nutritifs peuvent aussi être issues de rejets indirects. La principale source diffuse de pollution est liée à l’agriculture :

  • ressuyage des terrains fertilisés, érosion des sols dans les zones labourées, dépourvues de couvert végétal, lors d’épisodes pluvieux. La réduction des intrants et le recours au couvert végétal est abordée par la mise en place de Mesures Agro-Environnementales dans le périmètre Natura 2000 ;
  • piétinement des berges et abreuvement direct des troupeaux dans le cours d’eau (risque de défécation directe dans le cours d’eau) apportant éléments fins (menace 2) et nutriments au cours d’eau. Cette problématique sera traitée dans le cadre du nouveau Plan Pluriannuel de Gestion sur la Haute Vallée de la Dronne.

On observe également des apports liés aux systèmes d’Assainissement Non Collectifs (ANC), qui ne sont pas aux normes sur le territoire dans 50 à 80% des cas. Or, les normes françaises pour l’ANC ne visent qu’un aspect sanitaire, lié à des rejets bactériologiques. Ces systèmes abattent plus ou moins fortement l’azote et le phosphore, mais il n’existe aucune donnée disponible. Cela signifie qu’il y a des apports non quantifiables dans le milieu naturel.

Ce sont les Services Publics d’Assainissement Non Collectifs qui portent les diagnostics de l’existant et des mises aux normes. Si des systèmes doivent être implantés proches du cours d’eau, ils peuvent faire appel aux services du PNR Périgord-Limousin pour trouver une solution ayant le moins d’impact sur le milieu naturel. Si le cas se présentait au cours du projet, cela serait abordé dans le cadre des actions de sensibilisation des acteurs (action E4).

Concernant les micropolluants comme les éléments traces métalliques, il est prouvé qu'ils ont un impact sur les mollusques aquatiques. Toutefois, il n’existe pas d’étude précise sur la Moule perlière et son écotoxicologie (ces études seront réalisées dans le programme LIFE).

D’un point de vue physique, le réchauffement de la température de l’eau est la principale altération du milieu. Sur la Dronne, le réchauffement est principalement dû à la présence des retenues, des seuils et des plans d’eau dans lesquels l’eau stagne et se réchauffe avant d’être rejetée dans le milieu naturel.

Dégradation de la zone hyporhéique et colmatage des substrats

Le colmatage des substrats est la cause numéro 1 du non recrutement de juvéniles. Toute source de production d'éléments colmatant sur le bassin versant a donc un impact potentiel sur cette espèce.
Les sources potentielles de colmatage sur le bassin versant sont :

  • les apports directs d’éléments colmatant au cours d’eau :
    • lors des vidanges des plans d’eau, des ouvertures des vannes des seuils de moulins (la présence de ces ouvrages expliquerait la répartition actuelle de l'espèce sur la Haute-Dronne : la Moule perlière a en effet disparu des secteurs soumis à des vidanges ayant entrainé des départs importants de sédiments fins...) ;
    • liés à l’érosion agricole des parcelles labourées, le drainage des terres par des fossés / rigoles à ciel ouvert, le piétinement des berges et l’absence de ripisylve et de zone tampon (comme les zones humides) ;
    • lié à l’exploitation forestière lors de franchissements de cours d’eau, l’érosion des sols suite aux coupes à blanc, le retournement des sols forestiers et l’enrésinement des massifs (car les résineux ont un système racinaire moins efficace pour retenir les sols).
  • les apports indirects sont dus :
    • à l’enrichissement nutritif et au réchauffement de l’eau qui entraine un développement algal en surface du substrat et le colmatage des interstices de la zone hyporhéique ;
    • à la baisse du potentiel auto-épuratoire du milieu qui induit une dégradation de la qualité physico-chimique de l’eau et une accumulation des particules organiques fines colmatantes.

L’action C1 permettra d’amorcer la réduction des apports d’éléments colmatant provenant des plans d’eau, et les impacts induits sur le colmatage par la présence des ouvrages transversaux. La valorisation de ces actions dans le volet E permettra de faire prendre sensibiliser le grand public, les politiques et les autorités administratives à la nécessité de mettre en place d’autres programmes de réduction d’impact des ouvrages hydrauliques situés hors périmètre Natura 2000.

Altération de la continuité écologique

L’altération de la continuité écologique a un impact direct pour la Moule perlière, dû à la présence d’ouvrage hydrauliques de type seuils ou plan d’eau sur le cours principal ou sur les affluents :

  • ennoiement des substrats favorables aux populations de Moule perlière et de son poisson hôte, la Truite fario ;
  • création de zones d’eau « mortes », accumulation de sédiments en amont, colmatage du substrat ;
  • pavage du lit de la rivière en aval dû au déficit sédimentaire ;
  • enfouissement des moules vivant à la limite de la zone de dépôt, ou déposées lors des crues dans ces secteurs ;
  • apports d’éléments fins lors de la vidange des plans d’eau, l’ouverture des vannes des seuils des moulins et seuils.

La présence des ouvrages expliquerait les limites de répartition actuelle de l'espèce sur la Haute  Dronne. En effet, les tronçons sur lesquels l'espèce est absente sont les secteurs impactés par les ouvrages. La limite de répartition amont, au niveau de la confluence avec la Reille, s'expliquerait par une somme d'impacts liés à la présence de l'Etang de Feuyas qui entraine en aval des apports de vase, mais aussi un pavage du lit de la rivière lié au piégeage de toute la charge sédimentaire par l'ouvrage. Cela a pour conséquence une dégradation, voir une disparition des habitats aquatiques favorables à la Moule perlière et à son poisson hôte, la Truite fario.

L’altération de la continuité écologique a également un impact indirect pour la Moule perlière. Les glochidies doivent se fixer sur les branchies des poissons hôtes très rapidement après leur expulsion par les adultes (premières phases du cycle biologique de l’espèce). Selon la littérature, il faut environ 3000 truites à l’hectare pour avoir une population fonctionnelle pour la reproduction des Moules perlières. La baisse de la densité des poissons hôtes réduit donc les chances de survie dès les premiers jours suivant la reproduction.

Pour avoir une densité suffisante de Truites fario, il faut avoir entre 10 et 15 km de cours d’eau libres et fonctionnels (Magnan D., 1999). Or sur la Haute Dronne, les 2 tronçons les plus longs sur le secteur à Moule perlière font respectivement 9 et 11 km. Les poissons doivent également pouvoir accéder au petit chevelu qui sert de zone de reproduction, de croissance et de nourrissage, et parfois de refuge lors des crues. D’autre part, le réchauffement de la lame d’eau, en plus des conséquences citées dans les menaces 1 et 2, nuit directement à la survie de la Truite fario. En effet, pour des températures dépassant 21°C, la Truite fario réduit son activité et ne peut pas survivre dès lors que la température dépasse 24°C pendant plusieurs jours.

L’action C1 permettra de rétablir la continuité écologique et de réduire voire supprimer les impacts nombreux des ouvrages sur les milieux. Ces travaux permettront ainsi de retrouver des conditions d’écoulement et d’habitat favorables à la Moule perlière et à son poisson hôte sur un linéaire de cours d’eau important.

Autres menaces

Ce projet peut être considéré comme un projet d’adaptation au changement climatique. En effet, dans le Sud-Ouest de la France, les effets attendus du changement climatique sont un accroissement des températures estivales. Or, la température moyenne de la Haute-Dronne dépasse déjà 20 °C entre Mai et Septembre. Si elle venait à monter un peu plus, la Truite fario aurait du mal à survivre, et avec elle la Moule perlière.

Avec la hausse des températures, le taux d’oxygénation des eaux diminue. Cela peut impacter non seulement la physiologie de la Petite Mulette et de la Truite fario en terme de besoins en oxygène, mais aussi conduire à une augmentation de leurs capacités de bioaccumulation d’éléments traces métalliques, par l’accroissement de leur ventilation et donc d’échanges avec la colonne d’eau.

La Haute Dronne est impactée par la présence de nombreux ouvrages transversaux. L’eau y est en grande partie réchauffée où elle stagne en plein soleil. Ce réchauffement peut atteindre 4 à 5°C, et les températures moyennes dépassent alors 24°C, seuil critique pour la survie de la Truite fario. Ce programme permettra de réduire le réchauffement de l’eau, permettant l’adaptation des écosystèmes de la Haute Dronne au changement climatique.

Le rétablissement des bonnes conditions d’écoulement et d’habitat sur le cours principal et les principaux affluents pour le déroulement de l’ensemble du cycle de vie de la Truite fario permettra à terme l’arrêt de l’alevinage en poissons venant d’une pisciculture située à plus de 50 km en aval, source de consommation d’énergie.

En outre, les plans d’eau stoppent le transit sédimentaire, entrainant une accumulation de matière organique et d’éléments nutritifs. En été, la dégradation de la matière organique et le relargage des éléments nutritifs dans la colonne d’eau entraine un bloom algal, qui peut conduire à l’anoxie de la masse d’eau. La matière organique n’est plus dégradée que partiellement. Cela entraine la production et le rejet dans le milieu naturel de particules de méthane (CH4) dont le pouvoir réchauffant est 21 fois supérieur à celui d’une particule de dioxyde de carbone (CO2).

Les aménagements apportés permettront de réduire cette production, car ils faciliteront les vidanges et donc les phases d’assec des plans d’eau durant lesquelles la matière organique pourra être minéralisée réduisant ainsi le risque de bloom algal et de production de méthane, participant ainsi à la lutte contre le changement climatique.

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